
Forte de cette expérience, je me sentais néanmoins vidée pour attaquer cette nouvelle année, ce nouveau groupe. Comment trouver un autre souffle, comment aimer les « nouveaux » autant que les anciens ? Car être prof de théâtre ce n’est pas seulement être prof, c’est aller chercher au fond des êtres en devenir ce qui leur est propre, c’est les mettre face à eux-mêmes mieux qu’ils ne le feraient par eux, c’est faire vivre une aventure à tout un groupe en essayant d’en laisser le moins possible de côté, le long du chemin.
Il fallut d’abord se rencontrer. Le premier trimestre fut âpre. Je voulais travailler encore et toujours davantage sur le corps et en même temps j’étais comme moins engagée. De plus, le groupe était hétérogène, très partagé, se connaissant mal et faisant peu pour améliorer les choses. Je n’avais plus l’ardeur pour des week-end entiers de théâtre à laisser ma famille, alors où trouver le ciment nécessaire à la construction collective ?
Les choses sont venues peu à peu ; quand il a fallu trouver un thème à notre spectacle, on a fait un exercice de parole que j’avais déjà exploré quelques années auparavant. Les idées récurrentes qui sont apparues tournaient autour du rapport à la terre, du départ et du retour, mais aussi de l’écologie. Amandine m’avait emmenée avec les 1ères et TL quelques semaines auparavant à Andasibe, à explorer la canopée en criant des textes littéraires. Lionel, avec son association Madarbres, avait assuré la logistique et la partie accrobranches. J’ai eu l’idée de mettre mes petits singes de planches sur des branches, de leur apprendre à explorer leur corps en l’air aussi. On a commencé par un samedi d’expérimentation à l’île aux oiseaux, à Tana.


En cours, on a commencé à écrire et chercher des textes sur le sujet, à explorer des mises en scène. J’ai pensé à Sylvain Tesson, le jeune géographe aventurier des temps modernes dont nous suivons les aventures, Jérôme et moi, depuis plusieurs années, en vélo autour du monde, à pied flirtant avec les 8000 himalayens, à cheval en Mongolie, à pied encore de la Sibérie ou grimpant de nuit les façades des cathédrales gothiques d’Île de France. Dans son Petit traité sur l’immensité du monde, j’ai trouvé quelques textes. Les élèves ont apporté un « Les oiseaux, à la campagne » d’Yves Garric repéré sur Internet, des musiques de Grand Corps Malade, Mickey 3D, Ridan, des jingles faits par Guillaume… Agnès et surtout Martin ont fait un magnifique travail sur l’image, insérant entre les vues d’arbres des déchets, de la pollution, des animaux massacrés, etc. Le tout a fini par faire un petit spectacle, SOS Terre des arbres. Je n’y aime pas tout mais je trouve que les élèves ont bien travaillé et c’est vraiment leur création et pas la mienne, et c’est à cela que je pense qu’il faut arriver en option.



On s’est montré nos travaux en cours, on s’est jeté à la mer pour se dire au revoir. 2 jours et demi très intenses.
Puis, sur la route du retour, on s’est arrêté à Andasibe. Mme Juliette nous a hébergés et nourris à la malgache, romazava et ravitoto.





Le spectacle dans sa version la plus achevée a été montré au CCAC, dans le cadre du Festival de théâtre scolaire (je vais y revenir, à celui-là), puis à l’école américaine, grâce à Mme Reiss – une famille qui fait le lien entre mon ancien groupe où brillait la jolie Chloé, l’aînée, et le nouveau, qu’a intégré la plus sage Adélie… il ne me restera plus qu’à faire monter sur les planches le petit frère, mais ce n’est pas pour tout de suite ! On a encore joué en mai au lycée. On a joué sans Yohann, qui est malade et auquel nous ne cessons de penser, et aussi une fois sans Tuana. Les élèves ont su combler les manques, se passer les trous de textes. Ils ont vraiment assuré. Pari réussi : le groupe est un, et je l’aime… Je le garde l’an prochain, je suis heureuse, si ce n’est que Martin part en France et qu’il va bien me manquer. On s'attache à ces petites choses, - et surtout à certaines, c'est fou !
1 commentaire:
Les émotions, c'est formidable. On en est toujours plein. Et quand la fille ressemble au père — la fille au père en quelque sorte —, c'est beaucoup de gorges serrées et de larmes qui coulent.
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